Louis Pasteur, né à Dole (Jura) le 27 décembre 1822 et mort à Marnes-la-Coquette (Seine-et-Oise) le 28 septembre 1895, est un Scientifique français, Chimiste et Physicien de formation, et un pionnier de la Microbiologie.
Jeunesse
Louis Pasteur est né le 27 décembre 1822 à Dole. Son père, après avoir été sergent dans l’armée napoléonienne, reprit la profession familiale de tanneur. En 1825 la famille quitte Dole pour Marnoz, pour enfin s'installer à Arbois en 1830. Le jeune Pasteur suit à Arbois les cours d'Enseignement mutuel puis entre au collège de la ville. C'est à cette époque qu'il se fait connaître pour ses talents de peintre ; il a d'ailleurs fait de nombreux portraits de membres de sa famille et des habitants de la petite ville.
En octobre 1838, il quitte Arbois pour l'Institution Barbet à Paris afin de se préparer au baccalauréat puis aux concours. Cependant, déprimé par cette nouvelle vie, il abandonne cette idée, quitte Paris et termine son année scolaire 1838-1839 au Collège d'Arbois. A la rentrée 1839, il poursuit ses études au collège royal de Franche-Comté, à Besançon. En 1840, il obtient le Baccalauréat des lettres et puis, en 1842, après un échec, le Baccalauréat des sciences mathématiques. Pasteur retourne de nouveau à Paris et est finalement admis à l'École normale supérieure en 1843.
Carrière scientifique
À l'École normale supérieure, Pasteur étudie la
Chimie et la
Physique, ainsi que la
Cristallographie. Il soutient d'ailleurs deux thèses (comme cela se faisait habituellement à l'époque) en
1847, en chimie et en physique. Ses travaux sur la
Chiralité moléculaire lui vaudront la
Médaille Rumford en
1856.
Après avoir été professeur à Dijon puis à Strasbourg de 1848 à 1853, il y épouse Marie Laurent, fille du recteur d'Académie. Pasteur est ensuite nommé professeur et doyen de la Faculté des sciences de Lille nouvellement créée.
En 1857 , il est nommé administrateur chargé de la direction des études à l'École normale supérieure, Rue d'Ulm, à Paris.
En 1861 , Pasteur publie ses travaux réfutant la théorie de la génération spontanée . L'Académie des Sciences lui décerne le prix Jecker pour ses recherches sur les fermentations.
En 1862, il est élu à l'Académie des sciences en remplacement de Henri Hureau de Senarmont.
À l'École normale supérieure, Pasteur est jugé autoritaire aussi bien par ses collègues que par les élèves et se heurte à de nombreuses contestations, ce qui le pousse à démissionner, en 1867, de ses fonctions d'administrateur. Il reçoit une chaire en Sorbonne et on crée, à l'Ecole normale même, un laboratoire de chimie physiologique dont la direction lui est confiée.
De 1865 à 1869, ses études sur les maladies des vers à soie permettent d'endiguer le déclin de la Sériciculture. Durant cette période il subit une attaque cérébrale, et une Hémiplégie dont il se remet.
La défaite de 1870 et la chute de Napoléon III sont un coup terrible pour Pasteur, grand patriote et très attaché à la dynastie impériale. Par ailleurs, il est malade. L'Assemblée nationale lui vote une récompense pour le remercier de ses travaux dont les conséquences économiques sont considérables.
En 1874, ses recherches sur la Fermentation lui valent la Médaille Copley, décernée par la Royal Society, de Londres.
En 1876, Pasteur se présente aux élections sénatoriales, mais c'est un échec. Ses amis croient qu'il va enfin s'arrêter et jouir de sa retraite, mais il reprend ses recherches et conclut ses études sur la fermentation de la Bière par la publication d'un livre : Les Études sur la bière (1876).
En 1881 , l'équipe de Pasteur met au point le vaccin contre le charbon des moutons.
Il reçoit, le 29 décembre 1883, le Mérite agricole pour ses travaux sur les vins et la fermentation.
En 1885, Pasteur refusa de poser sa candidature aux élections législatives, alors que les paysans de la Beauce, dont il avait sauvé les troupeaux grâce au vaccin contre le charbon, l'auraient sans doute porté à la Chambre des Députés.
La découverte du vaccin antirabique (1885) vaudra à Pasteur sa consécration dans le monde : il recevra de nombreuses distinctions.L'Académie des sciences propose la création d'un établissement destiné à traiter la rage : l'Institut Pasteur naît en 1888.
Il meurt le 28 septembre 1895. Les Français auraient voulu qu'il fût enterré au Panthéon de Paris ; finalement sa famille décida de l'enterrer dans une crypte de l'Institut Pasteur.
OEuvre
Découverte de l'asymétrie moléculaire
Dans les travaux que Pasteur a réalisés au début de sa carrière scientifique en tant que chimiste, il résolut en 1849 un problème qui allait par la suite se révéler d'importance capitale dans le développement de la Chimie contemporaine : la séparation des deux formes de l'Acide tartrique. Une solution de ce composé obtenue à partir d'organismes vivants (spécifiquement dans la lie obtenue lors de la Vinification) tournait le plan de la lumière polarisée la traversant, alors qu'une solution de ce composé obtenue par la synthèse chimique ne causait pas cet effet bien que les deux composés aient la même Formule brute. En examinant les cristaux de tartrate (Base conjuguée de l'acide tartrique) de Sodium et d'Ammonium, Pasteur remarqua que deux formes de cristaux, image l'une de l'autre dans un miroir coexistaient dans l'échantillon. Il sépara les cristaux manuellement et observa un effet de rotation du plan de polarisation de la lumière, dans un sens opposé pour les deux types de cristaux. Pasteur eut l'intuition de penser que la molécule en question pouvait exister en deux formes asymétriques mettant pour la première fois en évidence la chiralité des molécules. Article connexe : . Les travaux de Pasteur dans ce domaine ont abouti, quelques années plus tard à la naissance du domaine de la Stéréochimie avec la publication de l'ouvrage la Chimie dans l'Espace par van 't Hoff qui, en introduisant la notion d'asymétrie de l'atome de carbone a grandement contribué à l'essor de la Chimie organique moderne.
(Gerald L. Geison, examinant les cahiers privés de Pasteur, note chez lui une tendance à atténuer sa dette envers Auguste Laurent.)
Réfutation de la génération spontanée
À partir de
1859, Pasteur mène une lutte contre les partisans de la « génération spontanée », en particulier contre Félix-Archimède Pouchet et un jeune journaliste,
Georges Clemenceau; ce dernier, médecin, met en cause les compétences de Pasteur, qui ne l'est pas, et attribue son refus de la génération spontanée à un parti-pris
idéologique (Pasteur est chrétien). Et ce fut finalement après six années de recherche que Pasteur démontra la fausseté de cette vieille théorie, selon laquelle « la vie pourrait apparaître à partir de rien, et les microbes être générés spontanément. »
Les questions précises
Depuis le
XVIIIe siècle, partisans et adversaires de la génération spontanée (aussi appelée
hétérogénie) cherchent à réaliser des expériences décisives à l'appui de leur opinion.
Les partisans de cette théorie (appelés spontéparistes ou hétérogénistes) soutiennent que, quand le contact avec l'air fait apparaître sur certaines substances des êtres vivants microscopiques, cette vie tient son origine non pas d'une vie préexistante mais d'un pouvoir génésique de l'air.
Pour les adversaires de la génération spontanée, l'air amène la vie sur ces substances non par une propriété génésique mais parce qu'il véhicule des germes d'êtres vivants.
En 1837, déjà, Schwann a fait une expérience que les adversaires de la génération spontanée considèrent comme probante en faveur de leur thèse : il a montré que si l'air est chauffé (puis refroidi) avant de pouvoir exercer son influence, la vie n'apparaît pas.
Le 20 décembre 1858, l'Académie des Sciences prend connaissance de deux notes où Pouchet, naturaliste et médecin rouennais, prétend apporter une preuve définitive de la génération spontanée.
Le 3 janvier 1859, l'Académie des Sciences discute la note de Pouchet. Tous les académiciens qui participent à cette discussion : Milne Edwards, Payen, Quatrefages, Claude Bernard et Dumas, alléguant des expériences qu'ils ont faites eux-mêmes, s'expriment contre la génération spontanée, qui, d'ailleurs, est alors devenue une doctrine minoritaire.
Même après les discussions de l'Académie, il reste cependant deux points faibles dans la position des adversaires de la génération spontanée :
- sous certaines conditions, ils obtiennent, sans pouvoir l'expliquer, des résultats apparemment favorables à la génération spontanée;
- les procédés (chauffage, lavage à l'acide sulfurique, filtrage) par lesquels ils débarrassent l'air des germes qu'il pourrait véhiculer sont accusés par les spontéparistes de « tourmenter » l'air et de le priver de son pouvoir génésique.
« Personne, raconte Pasteur, ne sut indiquer la véritable cause d'erreur de ses expériences , et bientôt l'Académie, comprenant tout ce qui restait encore à faire, propose pour sujet de prix la question suivante : Essayer, par des expériences bien faites, de jeter un jour nouveau sur la question des générations spontanées. ». C'est Pasteur qui va obtenir le prix, pour ses travaux expérimentaux exposés dans son Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère. Examen de la doctrine des générations spontanées. (1861):
Les expériences de Pasteur
Ses expériences sont, pour l'essentiel, des versions améliorées de celles de ses prédécesseurs. Il comble de plus les deux desiderata signalés plus haut. Tout d'abord, il comprend que certains résultats antérieurs, apparemment favorables à la génération spontanée étaient dus à ce qu'on utilisait la cuve à mercure pour empêcher la pénétration de l'air ambiant : le
mercure, tout simplement, est lui-même très sale.
Ensuite, il présente une expérience qu'on ne peut pas accuser de « tourmenter » l'air : il munit des flacons d'un col en S (col de cygne) et constate que, dans un nombre appréciable de cas, l'air qui a traversé les sinuosités, sans avoir été ni chauffé, ni filtré ni lavé, ne provoque pas l'apparition d'êtres vivants sur les substances qui se trouvent au fond du flacon, alors qu'il la provoque sur une goutte placée à l'entrée du circuit. La seule explication de l'inaltération du fond est que des germes ont été arrêtés par les sinuosités et se sont déposés sur le verre. Cette expérience avait été suggérée à Pasteur par le chimiste Balard; Chevreul en avait fait d'analogues dans ses cours.
Enfin, Pasteur réfute un argument propre à Pouchet : celui-ci, arguant de la constance avec laquelle (dans ses expériences, du moins) la vie apparaissait sur les infusions, concluait que, si la théorie de ses adversaires était exacte, les germes seraient à ce point ubiquitaires que « l'air dans lequel nous vivons aurait presque la densité du fer ». Pasteur fait des expériences en divers lieux, temps et altitudes et montre que (si on laisse pénétrer l'air ambiant sans le débarrasser de ses germes) la proportion des bocaux contaminés est d'autant plus faible que l'air est plus pur. Ainsi, sur la Mer de Glace, une seule des vingt préparations s'altère.
En 1872, quelques années après la controverse Pasteur-Pouchet, Ferdinand Cohn établira qu'un bacille du foin, Bacillus subtilis, peut former des endospores qui le rendent résistant à l'ébullition, ce qui apporte une réfutation supplémentaire aux expériences de Pouchet (qui se servait d'infusions de foin alors que Pasteur utilisait l'eau de levure).
Études sur la fermentation
En 1787, Adamo Fabbroni, dans son
Ragionamento sull'arte di far vino (Florence), avait le premier soutenu que la fermentation du vin est produite par une substance vivante présente dans le
Moût. Cagniard de Latour et
Theodor Schwann avaient apporté des faits supplémentaires à l'appui de la nature vivante de la levure. De 1857 à 1867, Pasteur étudie les
fermentations. Il prouve que certaines fermentations (lactique, butyrique) dont jusqu'alors on n'avait pas pu prouver qu'elles sont dues à des levures le sont bel et bien, et que chaque fermentation a sa levure propre. Il montre que toutes les levures sont vivantes.
Découverte de l'anaérobiose
Au cours de ses travaux sur les fermentations, Pasteur découvre un fait jusqu'alors insoupçonné : la possibilité de certains organismes de vivre en l'absence d'oxygène libre (c'est-à-dire en l'absence d'air). Il appelle ces organismes
anaérobies. (Les mots
aérobie et
anaérobie sont de lui.)
Ainsi, dans le cas de la fermentation alcoolique, la levure tenue à l'abri de l'air vit en provoquant aux dépens du sucre une réaction chimique qui libère les substances dont elle a besoin et provoque en même temps l'apparition d'alcool. En revanche, si la levure se trouve en présence d'oxygène libre, elle se développe davantage et la fermentation productrice d'alcool est faible. Ces rendements contraires en levure et en alcool sont un cas particulier de ce qu'on appellera « l'Effet Pasteur » .
Débat sur le rôle exact des agents vivants dans la fermentation
Berzélius et
Liebig (Liebig de façon plus nuancée) avaient eu une conception purement
catalytique de la fermentation, qui excluait le rôle d'organismes vivants, et ils avaient combattu les travaux de Cagniard de Latour, qui, en 1836 et en 1838, avaient montré que la levure de bière était un micro-organisme. Pasteur « dispose d'une première orientation donnée par Cagniard de Latour; il la développe et montre que c'est en tant qu'être vivant que la levure agit, et non en tant que matière organique en décomposition. »
Toutefois, certains faits ( la préparation de « diastase » en 1833 par Payen et Persoz...) allaient dans le sens de la conception catalytique de Liebig et, en 1860, Marcellin Berthelot, dans une note à l'Académie des sciences, proposa une synthèse entre cette conception et celle de Cagniard de Latour : la fermentation n'est pas produite directement par les êtres vivants qui en sont responsables couramment (levures etc.) mais par des substances non vivantes, des « ferments solubles » (on dira plus tard « zymases », puis « enzymes »), substances elles-mêmes produites par les êtres vivants en question.
On s'accorde à penser que Pasteur fut incapable de comprendre ces faits (consacrés depuis par les travaux d' Eduard Buchner), même quand une publication posthume de Claude Bernard les affirma. On met cette erreur de Pasteur sur le compte de son vitalisme, qui l'empêcha aussi de comprendre le rôle des toxines et d'admettre en 1881, lors de sa rivalité avec Toussaint dans la course au vaccin contre le charbon, qu'un vaccin « tué » pût être efficace. Les travaux de Pasteur sur la fermentation ont été, dans les années 1970 et 1980, au coeur d'un débat entre théoriciens « internalistes » et « externalistes » des sciences.
Les maladies du vin et la pasteurisation
En 1863, il y a déjà quelques années que les maladies des vins français grèvent lourdement le commerce.
Napoléon III demande à Pasteur, spécialiste de la fermentation et de la putréfaction, de chercher un remède. Pasteur propose de chauffer le vin à 57°C afin de tuer les germes et résout ainsi le problème de sa conservation et du transport, c'est la
Pasteurisation. Il a au sujet de ce procédé une querelle de priorité avec l'oenologue Alfred de Vergnette de Lamotte, dans laquelle les savants Balard et Thenard prennent parti respectivement pour Pasteur et pour Vergnette.Cette découverte lui vaudra le Mérite Agricole.
Influence sur la théorie microbienne des maladies contagieuses
La théorie de l'origine microbienne des maladies contagieuses existait depuis longtemps à l'état d'hypothèse quand, en 1835,
Agostino Bassi la prouva pour la première fois dans un livre sur la
Muscardine, une des maladies du ver à soie.
Avant Pasteur, donc, on connaissait l’existence des microbes, et des germes.
Les travaux de Pasteur sur la fermentation, toutefois, stimulèrent le développement de la théorie microbienne des maladies contagieuses. Casimir Davaine, au début de ses publications de 1863, qui sont maintenant considérées comme la première preuve de l'origine microbienne d'une maladie transmissible à l'homme, écrivait « M. Pasteur, en février 1861, publia son remarquable travail sur le ferment butyrique, ferment qui consiste en petites baguettes cylindriques, possédant tous les caractères des vibrions ou des bactéries. Les corpuscules filiformes que j'avais vus dans le sang des moutons atteints de sang de rate ayant une grande analogie de forme avec ces vibrions, je fus amené à examiner si des corpuscules analogues ou du même genre que ceux qui déterminent la fermentation butyrique, introduits dans le sang d'un animal, n'y joueraient pas de même le rôle d'un ferment. ».
Pasteur lui-même, en 1880, rappelle ses travaux sur les fermentations et ajoute : « La médecine humaine, comme la médecine vétérinaire, s'emparèrent de la lumière que leur apportaient ces nouveaux résultats. On s'empressa notamment de rechercher si les virus et les contages ne seraient pas des êtres animés. Le docteur Davaine (1863) s'efforça de mettre en évidence les fonctions de la bactéridie du charbon, qu'il avait aperçue dès l'année 1850. »
Antisepsie et asepsie
- Antisepsie
Le chirurgien anglais
Joseph Lister, après avoir lu les travaux de Pasteur sur la fermentation (où la putréfaction est expliquée, comme la fermentation, par l'action d'organismes vivants), se convainc que l'infection postopératoire (volontiers décrite à l'époque comme une pourriture, une putréfaction) est due elle aussi à des organismes microscopiques. Ayant lu ailleurs que l'acide phénique (phénol) détruisait les entérozoaires qui infectaient certains bestiaux, il lave les blessures de ses opérés à l'eau phéniquée et leur applique un coton imbibé d'acide phénique. Le résultat est une réduction drastique de l'infection et de la mortalité.
Lister publie sa théorie et sa méthode en 1867, en les rattachant explicitement aux travaux de Pasteur. Dans une lettre de 1874, il remercie Pasteur « pour m'avoir, par vos brillantes recherches, démontré la vérité de la théorie des germes de putréfaction, et m'avoir ainsi donné le seul principe qui ait pu mener à bonne fin le système antiseptique. »
L'antisepsie listérienne, dont l'efficacité triomphera en quelques années des résistances des attardés, est, au point de vue théorique, une branche importante de la théorie microbienne. Sur le plan pratique, toutefois, elle n'est pas entièrement satisfaisante : Lister, qui n'a pensé qu'aux germes présents dans l'air, et non à ceux que propagent les mains des opérateurs et les instruments et les tissus qu'ils emploient, attaque les microbes dans le champ opératoire, en vaporisant de l'acide phénique dans l'air et en en appliquant sur les plaies. C'est assez peu efficace quand il faut opérer en profondeur et, de plus, l'acide phénique a un effet caustique sur l'opérateur et sur le patient. On cherche donc bientôt à prévenir l'infection (asepsie) plutôt qu'à la combattre (antisepsie).
- Asepsie
Pasteur « est de ceux qui cherchent à dépasser l'antisepsie par l'asepsie. » À la séance du 30 avril 1878 de l'Académie de médecine, il attire l'attention sur les germes propagés par l'eau, l'éponge ou la charpie avec lesquelles les chirurgiens lavent ou recouvrent les plaies et leur recommande de ne se servir que d'instruments d'une propreté parfaite, de se nettoyer les mains puis de les soumettre à un flambage rapide et de n'employer que de la charpie, des bandelettes, des éponges et de l'eau préalablement exposées à diverses températures qu'il précise. Les germes en suspension dans l'air autour du lit du malade étant beaucoup moins nombreux que dans l'eau et à la surface des objets, ces précautions permettraient d'utiliser un acide phénique assez dilué pour ne pas être caustique.
Certes, ces recommandations n'étaient pas d'une nouveauté absolue : Semmelweis et d'autres avant lui (par exemple Claude Pouteau et Jacques Mathieu Delpech) avaient déjà compris que les auteurs des actes médicaux pouvaient eux-mêmes transmettre l'infection, et ils avaient fait des recommandations en conséquence, mais les progrès de la théorie microbienne avaient tellement changé les données que les conseils de Pasteur reçurent beaucoup plus d'audience que ceux de ses prédécesseurs.
En préconisant ainsi l'asepsie, Pasteur traçait une voie qui serait suivie (non sans résistances du corps médical) par Octave Terrillon (1883), Ernst von Bergmann et William S. Halsted .
Lutte contre les maladies des vers à soie
En
1865,
Jean-Baptiste Dumas, sénateur et ancien ministre de l'Agriculture et du commerce, demande à Pasteur d'étudier une nouvelle maladie qui décime les élevages de vers à soie du sud de la France et de l'Europe, la
Pébrine, caractérisée par les « corpuscules de
Cornalia ».
Victoire sur la pébrine
Pasteur accepte et s'installe pour cela à
Alès en juin
1865. Pour faire en sorte que seuls les oeufs pondus par des papillons non corpusculeux soient conservés, Pasteur est « conduit à proposer une méthode de tri des graines à peu près identique à celle préconisée quelques années auparavant par Orcino. Si celle-ci avait échoué, affirme Pasteur, c'est par manque de confiance; ce qui, bien sûr, n'est pas son cas. » Par ce procédé, Pasteur sauve pour beaucoup l'industrie de la soie dans les Cévennes.
Discussions sur la valeur théorique des travaux de Pasteur
Pasteur commença par nier le caractère « parasitaire » de la pébrine, que plusieurs savants considéraient comme bien établi. Même une note publiée le 27 août 1866 par Balbiani, que Pasteur semble d'abord accueillir favorablement, reste sans effet, du moins immédiat. « Pasteur se trompe. Il ne changera d'opinion que dans le courant de 1867 ».
Philippe Decourt reproche à Pasteur un déni de justice envers Antoine Béchamp, qui étudia la pébrine en même temps que Pasteur et affirma d'emblée non seulement la nature parasitaire de la maladie mais aussi sa distinction d'avec la maladie des morts-flats ou flacherie (distinction que Pasteur commença également par nier).
La flacherie résiste
En 1884, Balbiani, qui faisait peu de cas de la valeur théorique des travaux de Pasteur sur les maladies des vers à soie, reconnaissait que son procédé pratique avait remédié aux ravages de la pébrine, mais ajoutait que ce résultat tendait à être contrebalancé par le développement de la flacherie, moins bien connue et plus difficile à prévenir. En 1886, la Société des Agriculteurs de France émettait le voeu « que le gouvernement examine s'il n'y avait pas lieu de procéder à de nouvelles études scientifiques et pratiques sur le caractère épidémique des maladies des vers à soie et sur les moyens de combattre cette influence. » Decourt, qui cite ce voeu, donne des chiffres dont il conclut qu'après les travaux de Pasteur, la production des vers à soie resta toujours très inférieure à ce qu'elle avait été avant l'apparition de la pébrine et conteste dès lors à Pasteur le titre de « sauveur de la sériciculture française ».
Les vaccins
À partir de 1876, Pasteur travaille successivement sur le filtre et l'autoclave mis au point par
Charles Chamberland (1851-1908) et aussi sur le flambage des vases.
Il continue à participer aux progrès de la théorie microbienne des maladies contagieuses, domaine où son plus grand rival est maintenant l'Allemand Robert Koch. En 1880, Pasteur découvre le staphylocoque, qu'il identifie comme responsable des furoncles et de l'ostéomyélite. Pendant six ans, le Français et l'Allemand étudient les maladies et leurs microbes. La dernière partie de la carrière de Pasteur sera consacrée aux vaccins.
Les inoculateurs avant Pasteur : à la recherche de l'atténuation
Quand Pasteur commence ses recherches sur les
vaccins, on fait des inoculations préventives contre une maladie humaine, la variole (la méthode de
Jenner est célèbre), et contre deux maladies du bétail : la clavelée, maladie du mouton, et la péripneumonie bovine.
Certains clavelisateurs cherchent à atténuer la virulence du claveau (la substance morbide injectée) par culture ou par inoculations successives d'animal à animal, mais, selon un dictionnaire de l'époque, leurs résultats sont illusoires.
Durant l'été 1879, Pasteur et ses collaborateurs, Émile Roux et Émile Duclaux, découvrent que les poules auxquelles on a inoculé des cultures vieillies du microbe du Choléra des poules non seulement ne meurent pas mais résistent à de nouvelles infections - c'est la découverte d'un vaccin d'un nouveau type : contrairement à ce qui était le cas dans la vaccination contre la variole, on ne se sert pas, comme vaccin, d'un virus bénin fourni par la nature (sous forme d'une maladie bénigne qui immunise contre la maladie grave) mais on provoque artificiellement l'atténuation d'une souche initialement très virulente et c'est le résultat de cette atténuation qui est utilisé comme vaccin .
S'il faut en croire la version célèbre de René Vallery-Radot et d'Émile Duclaux,c'est en reprenant de vieilles cultures oubliées (ou laissées de côté pendant les vacances) qu'on se serait aperçu avec surprise qu'elles ne tuaient pas et même immunisaient. Il y aurait là un cas de Sérendipité. A. Cadeddu, toutefois, rappelle que « depuis les années 1877-1878, possédait parfaitement le concept d'atténuation de la virulence ». C'est un des motifs pour lesquels Cadeddu, à la suite de Mirko D. Grmek, met en doute le rôle allégué du hasard dans la découverte du procédé d'atténuation de la virulence et pense que cette atténuation a sûrement été recherchée activement, ce que les notes de laboratoire de Pasteur semblent bien confirmer.
Dans sa double communication du 26 octobre 1880 à l'Académie des Sciences et à l'Académie de médecine, Pasteur attribue l'atténuation de la virulence au contact avec l'oxygène. Il dit que des cultures qu'on laisse vieillir au contact de l'oxygène perdent de leur virulence au point de pouvoir servir de vaccin, alors que des cultures qu'on laisse vieillir dans des tubes à l'abri de l'oxygène gardent leur virulence. Il reconnaît toutefois dans une note de bas de page que l'oxygène ne joue pas toujours son rôle d'atténuation, ou pas toujours dans les mêmes délais : « Puisque, à l'abri de l'air, l'atténuation n'a pas lieu, on conçoit que, si dans une culture au libre contact de l'air (pur) il se fait un dépôt du parasite en quelque épaisseur, les couches profondes soient à l'abri de l'air, tandis que les superficielles se trouvent dans de tout autres conditions. Cette seule circonstance, jointe à l'intensité de la virulence, quelle que soit, pour ainsi dire, la quantité du virus employé, permet de comprendre que l'atténuation d'un virus ne doit pas nécessairement varier proportionnellement au temps d'exposition à l'air. »
Ph. Decourt faisait ce commentaire : « Dans ces conditions, il est impossible de parler d'un procédé de vaccination. On est obligé de constater qu'à la fin d'octobre 1880, Pasteur n'en a encore aucun. »
On lit dans une publication Internet du Département états-unien de l'agriculture en date du 14 janvier 2005 :
« Pasteur travailla sur un vaccin contre le choléra des poules, mais sans grand succès. Depuis Pasteur, il y eut plusieurs tentatives de produire un vaccin efficace contre le choléra des poules. Une immunité substantielle mais non absolue peut être conférée à la volaille, dans des conditions contrôlées, à l'aide de vaccins tués de Pasteurella multocida. »
Le vaccin contre la maladie du charbon
Le
5 mai 1881, lors de la célèbre expérience de Pouilly-le-Fort, un troupeau de moutons est
vacciné contre la maladie du charbon à l'aide d'un vaccin mis au point par Pasteur et ses assistants. Cette expérience fut un succès complet.
Certains auteurs reprochent à Pasteur d'avoir induit le public scientifique en erreur sur la nature exacte du vaccin utilisé. Cette question fait l'objet d'un article à part, le "Secret de Pouilly-le-Fort". Article détaillé : .
La rage
Pasteur étant souvent accusé, notamment sur Internet, d'avoir usurpé une part de gloire qui revenait à ses devanciers, on va donner ici un tableau des résultats sur la rage auxquels on était parvenu avant son entrée en scène.
Travaux de Duboué et Galtier
En 1879, Paul-Henri Duboué dégage de divers travaux de l'époque une « théorie nerveuse » de la rage : «
Dans cette hypothèse, le virus rabique s'attache aux fibrilles nerveuses mises à nu par la morsure et se propage jusqu'au bulbe ». Le rôle important (mais non exclusif) de la voie nerveuse dans la transmission du virus de la rage fut plus tard confirmé expérimentalement par Pasteur et ses assistants.
La même année 1879, Galtier montre qu'on peut utiliser le lapin, beaucoup moins dangereux que le chien, comme animal d'expérimentation. Il envisage aussi de mettre à profit la longue durée d'incubation (c'est-à-dire la longue durée que le virus met à atteindre les centres nerveux) pour faire jouer à un moyen préventif (qu'il en est encore à chercher ou à expérimenter) un rôle curatif : « J'ai entrepris des expériences en vue de rechercher un agent capable de neutraliser le virus rabique après qu'il a été absorbé et de prévenir ainsi l'apparition de la maladie, parce que, étant persuadé, d'après mes recherches nécroscopiques, que la rage une fois déclarée est et restera longtemps, sinon toujours incurable, à cause des lésions qu'elle détermine dans les centres nerveux, j'ai pensé que la découverte d'un moyen préventif efficace équivaudrait presque à la découverte d'un traitement curatif, surtout si son action était réellement efficace un jour ou deux après la morsure, après l'inoculation du virus ». » (On notera que Galtier ne précise pas que le moyen préventif auquel il pense doive être un vaccin.)
Dans une note de 1881, il signale notamment qu'il semble avoir conféré l'immunité à un mouton en lui injectant de la bave de chien enragé par voie sanguine. (L'efficacité de cette méthode d'immunisation des petits ruminants : chèvre et mouton, par injection intraveineuse sera confirmée en 1888 par deux pasteuriens, Nocard et Roux.)
Dans cette même note, toutefois, Galtier répète une erreur qu'il avait déjà commise dans son Traité des maladies contagieuses de 1880 : parce qu'il n'a pas pu transmettre la maladie par inoculation de fragments de nerfs, de moelle ou de cerveau, il croit pouvoir conclure que, chez le chien, le virus n'a son siège que dans les glandes linguales et la muqueuse bucco-pharyngienne.
Les choses en sont là quand Pasteur, en 1881, commence ses publications sur la Rage.
Les études de Pasteur
- Études sur les animaux
Dans une note du 30 mai de cette année, Pasteur rappelle la « théorie nerveuse » de Duboué et l'incapacité où Galtier a dit être de confirmer cette théorie en inoculant de la substance cérébrale ou de la moelle de chien enragé. «
J'ai la satisfaction d'annoncer à cette Académie que nos expériences ont été plus heureuses », dit Pasteur, et dans cette note de deux pages, il établit deux faits importants :
- le virus rabique ne siège pas uniquement dans la salive, mais aussi, et avec une virulence au moins égale, dans le cerveau;
- l'inoculation directe de substance cérébrale rabique à la surface du cerveau du chien par trépanation communique la rage à coup sûr, avec une incubation nettement plus courte (mort en moins de trois semaines) que dans les circonstances ordinaires, ce qui fait gagner un temps précieux aux expérimentateurs.
Dans cette note de 1881, Galtier n'est nommé qu'une fois, et c'est pour être contredit (avec raison).
En décembre 1882, nouvelle note de Pasteur et de ses collaborateurs, établissant que le système nerveux central est le siège principal du virus, où on le trouve à l'état plus pur que dans la salive, et signalant des cas d'immunisation d'animaux par inoculation du virus, autrement dit des cas de vaccination. Galtier est nommé deux fois en bas de page, tout d'abord à propos des difficultés insurmontables auxquelles se heurtait l'étude de la rage avant l'intervention de Pasteur, notamment parce que « la salive était la seule matière où l'on eût constaté la présence du virus rabique» (suit une référence à Galtier) et ensuite à propos de l'absence d'immunisation que les pasteuriens ont constatée chez le chien après injection intraveineuse : « Ces résultats contredisent ceux qui ont été annoncés par M. Galtier, à cette Académie, le 1er août 1881, par des expériences faites sur le mouton. » Galtier, en 1891 puis en 1904, se montra ulcéré de cette critique contre sa méthode d'immunisation des petits ruminants par injection intraveineuse, dont l'efficacité fut confirmée en 1888 par deux pasteuriens, Roux et Nocard.
Deux notes de février et mai 1884 sont consacrées à des méthodes de modification du degré de virulence par passages successifs à l'animal (exaltation par passages successifs aux lapins, atténuation par passages successifs aux singes). Les auteurs estiment qu'après un certain nombre de passages chez des animaux d'une même espèce, on obtient un virus fixe, c'est-à-dire un virus dont les propriétés resteront immuables lors de passages subséquents. (En 1935, P. Lépine montra que cette fixité était moins absolue qu'on ne le croyait et qu'il était nécessaire de contrôler le degré de virulence et le pouvoir immunogène des souches «fixes».)
En 1885, Pasteur se dit capable d'obtenir une forme du virus atténuée à volonté en exposant de la moelle de lapin rabique au contact de l'air gardé sec. Cela permet de vacciner par une série d'inoculations de plus en plus virulentes.
- Essai sur l'Homme
C'est en cette année 1885 qu'il fait ses premiers essais sur l'homme.
Il ne publia rien sur les deux premiers cas (Girard et la fillette Poughon), ce qui, selon Patrice Debré, alimente régulièrement une rumeur selon laquelle Pasteur aurait « étouffé » ses premiers échecs. En fait, dans le cas Girard, qui semble avoir évolué favorablement, le diagnostic de rage, malgré des symptômes qui avaient fait conclure à une rage déclarée, était douteux, et, dans le cas de la fillette Poughon (qui mourut le lendemain de la vaccination), il s'agissait très probablement d'une rage déclarée, ce qui était et est encore toujours un arrêt de mort à brève échéance, avec ou sans vaccination.
Le 6 juillet 1885, on amène à Pasteur un petit berger alsacien de Steige âgé de neuf ans, Joseph Meister, mordu l'avant-veille par un chien qui avait ensuite mordu son propriétaire. La morsure étant récente, il n'y a pas de rage déclarée. Cette incertitude du diagnostic rend le cas plus délicat que les précédents et Roux, l'assistant de Pasteur dans les recherches sur la rage, refuse formellement de participer à l'injection. Pasteur hésite, mais deux éminents médecins, Alfred Vulpian et Joseph Grancher, estiment que le cas est suffisamment sérieux pour justifier la vaccination et la font pratiquer sous leur responsabilité. Joseph Meister reçoit treize inoculations réparties sur dix jours. Il ne développera jamais la rage.
Le cas très célèbre de Meister n'est peut-être plus très convaincant. Ce qui fit considérer que le chien qui l'avait mordu était enragé est le fait que « celui-ci à l'autopsie, avait foin, paille et fragments de bois dans l'estomac». Aucune inoculation de substance prélevée sur le chien ne fut faite. Peter, principal adversaire de Pasteur et grand clinicien, savait que le diagnostic de rage par la présence de corps étrangers dans l'estomac était caduc. Il le fit remarquer à l'Académie de médecine (11 janvier 1887).
Un détail du traitement de Meister illustre ces mots écrits en 1966 par Maxime Schwartz, alors directeur général de l'Institut Pasteur (Paris) : « Pasteur n'est pas perçu aujourd'hui comme il y a un siècle ou même il y a vingt ans. Le temps des hagiographies est révolu, les images d'Épinal font sourire, et les conditions dans lesquelles ont été expérimentés le vaccin contre la rage ou la sérothérapie antidiphtérique feraient frémir rétrospectivement nos modernes comités d'éthique. »
Pasteur, en effet, fit faire à Meister, après la série des inoculations vaccinales, une injection de contrôle. L'injection de contrôle, pour le dire crûment, consiste à essayer de tuer le sujet en lui injectant une souche d'une virulence qui lui serait fatale dans le cas où il ne serait pas vacciné ou le serait mal; s'il en réchappe, on conclut que le vaccin est efficace.
Pasteur a lui-même dit les choses clairement : « Joseph Meister a donc échappé, non seulement à la rage que ses morsures auraient pu développer, mais à celle que je lui ai inoculée pour contrôle de l'immunité due au traitement, rage plus virulente que celle des rues.
L'inoculation finale très virulente a encore l'avantage de limiter la durée des appréhensions qu'on peut avoir sur les suites des morsures. Si la rage pouvait éclater, elle se déclarerait plus vite par un virus plus virulent que par celui des morsures. »
À propos de la seconde de ces trois phrases, André Pichot, dans son anthologie d'écrits de Pasteur, met une note : « Cette phrase est un peu déplacée, dans la mesure où il s'agissait ici de soigner un être humain (et non de faire une expérience sur un animal). »
- L'efficacité du vaccin de Pasteur remise en cause.
Pasteur ayant publié ses premiers succès, son vaccin antirabique devient vite célèbre et les candidats affluent. Déçu par quelques cas où le vaccin a été inefficace, Pasteur croit pouvoir passer à un «
traitement intensif », qu'il présente à l'Académie des Sciences le 2 novembre 1886. L'enfant Jules Rouyer, vacciné dans le mois d'octobre précédant cette communication, meurt vingt-quatre jours après la communication et son père porte plainte contre les responsables de la vaccination
D'après un récit fait une cinquantaine d'années après les évènements par le bactériologiste André Loir, neveu et ancien assistant-préparateur de Pasteur, le bulbe rachidien de l'enfant, inoculé à des lapins, leur communique la rage, mais Roux (en l'absence de Pasteur, qui villégiature à la Riviera) fait un rapport en sens contraire; le médecin légiste, Brouardel, après avoir dit à Roux « Si je ne prends pas position en votre faveur, c'est un recul immédiat de cinquante ans dans l'évolution de la science, il faut éviter cela ! », conclut dans son expertise que l'enfant Rouyer n'est pas mort de la rage. P. Debré accepte ce récit, tout en notant qu'il repose uniquement sur André Loir.
À la même époque, le jeune Réveillac, qui a subi le traitement intensif, meurt en présentant des symptômes atypiques où Peter, le grand adversaire de Pasteur, voit une rage humaine à symptômes de rage de lapin, autrement dit la « rage de laboratoire », la « rage Pasteur », dont on commence à beaucoup parler.
« On renonça plus tard à une méthode de traitement aussi énergique, et qui pouvait présenter quelques dangers. »
En fait, on finit même par renoncer au traitement ordinaire de Pasteur-Roux.
En 1908, Fermi proposa un vaccin contre la rage avec virus traité au phénol. Progressivement, dans le monde entier, le vaccin phéniqué de Fermi supplanta les moelles de lapin de Pasteur et Roux. En France, où on en était resté aux moelles de lapin, P. Lépine et V. Sautter firent en 1937 des comparaisons rigoureuses : une version du vaccin phéniqué protégeait les lapins dans la proportion de 77,7 %, alors que les lapins vaccinés par la méthode des moelles desséchées n'étaient protégés que dans la proportion de 35 %. Dans un ouvrage de 1973, André Gamet signale que la préparation de vaccin contre la rage par la méthode des moelles desséchées n'est plus utilisée. Parmi les méthodes qui le sont encore, il cite le traitement du virus par le phénol.
L'Académie des sciences propose la création d'un établissement destiné à traiter la rage : l'Institut Pasteur naît en 1888.
Le « génie » de Pasteur
Mise en ordre plutôt qu'innovation
André Pichot définit comme suit le caractère essentiel de l'oeuvre de Pasteur : « C'est là le mot-clé de ses travaux : ceux-ci ont toujours consisté à mettre de l'ordre, à quelque niveau que ce soit. Ils comportent assez peu d'éléments originaux (En note : Cela peut surprendre, mais les études sur la dissymétrie moléculaire étaient déjà bien avancées quand Pasteur s'y intéressa, celles sur les fermentations également; les expériences sur la génération spontanée sont l'affinement de travaux dont le principe était vieux de plus d'un siècle; la présence de germes dans les maladies infectieuses étudiées par Pasteur a souvent été mise en évidence par d'autres que lui; quant à la vaccination, elle avait été inventée par
Jenner à la fin du XVIIIe siècle, et l'idée d'une prévention utilisant le principe de non-récidive de certaines maladies avait été proposée bien avant que Pasteur ne la réalisât.); mais, le plus souvent, ils partent d'une situation très confuse, et le génie de Pasteur a toujours été de trouver, dans cette confusion initiale, un fil conducteur qu'il a suivi avec constance, patience et application. »
Patrice Debré dit de même : « Pasteur donne parfois même l'impression de se contenter de vérifier des résultats décrits par d'autres, puis de se les approprier. Cependant, c'est précisément quand il reprend des démonstrations laissées, pour ainsi dire, en jachère, qu'il se montre le plus novateur : le propre de son génie, c'est son esprit de synthèse. »
Complexité d'une figure historique
Depuis quelques années, les historiens des sciences se sont attachés à révéler la complexité d'un personnage historique caché par son propre mythe. Ces travaux permettent également de mettre au jour la complexité des échanges et des influences qui ont participé à la production des innovations pastoriennes, qui ne sont jamais les fruits de l'action isolée d'un "héros de la science".
G. L. Geison et A. Cadeddu, en étudiant les notes de laboratoire de Pasteur, ont constaté qu'elles infirment parfois ses déclarations publiques. Le cas le plus pénible est l'expérience de Pouilly-le-Fort, dont il a déjà été question.
H. Collins et T. Pinch, en 1993 montrent Pasteur, dans la controverse sur la génération spontanée, négligeant les résultats qui ne vont pas dans le sens de sa thèse. Ils ne l'en blâment d'ailleurs pas : « Pasteur savait ce qui devait être considéré comme un résultat et ce qui devait l'être comme une "erreur" » (p. 125).
Signalons cependant, à propos de cette description un peu cynique, que des voix se sont élevées contre la tendance de certains théoriciens « externalistes » ou « sociologistes » des sciences à réduire l'activité scientifique, et notamment celle de Pasteur, à des manoeuvres et à des coups de force où la rationalité aurait assez peu de part
Un savant dans le monde
Pasteur n'était en rien un chercheur isolé dans sa tour d'ivoire. Ses travaux étaient orientés vers les applications médicales, hygiéniques, agricoles et industrielles. Il a toujours collaboré étroitement avec les professions concernées (même si, parmi les médecins, ses partisans étaient en minorité) et il a su obtenir le soutien des pouvoirs publics à la recherche scientifique. « C'est sans doute à cela que Pasteur doit sa grande popularité. Il a lui-même sciemment contribué à l'édification de sa légende, par ses textes et par ses interventions publiques. »
Pasteur, la religion catholique et l'euthanasie
Dans les dernières années du XIX
e siècle et les premières du XX
e, l'apologétique catholique attribuait volontiers à Pasteur la phrase « Quand on a bien étudié, on revient à la foi du paysan breton. Si j'avais étudié plus encore j'aurais la foi de la paysanne bretonne. »
En 1939 (l'entre-deux-guerres fut la grande époque de l'Union rationaliste), Pasteur Vallery-Radot, petit fils de Louis Pasteur, fit cette mise au point : « Mon père a toujours eu soin, et ma mère également d'ailleurs, de dire que Pasteur n'était pas pratiquant. Si vous ouvrez la Vie de Pasteur, vous verrez que mon père parle du spiritualisme et non du catholicisme de Pasteur. Je me souviens parfaitement de l'irritation de mon père et de ma mère, quand quelque prêtre, en chaire, se permettait de lui attribuer cette phrase qu'il n'a jamais dite : " J'ai la foi du charbonnier breton. " (...) Toute la littérature qui a été écrite sur le prétendu catholicisme de Pasteur est absolument fausse. »
En 1994-1995, Maurice Pasteur Vallery-Radot, arrière-petit-neveu de Pasteur et catholique militant, ne se contente pas du spiritualisme, du théisme de Pasteur, il tient que Pasteur resta au fond catholique, mais il ne va pas jusqu'à dire qu'il soit allé à la messe.
En 2004, Pasteur sert de caution morale à une cause d'une nature différente : son précédent est évoqué à l'assemblée nationale en faveur de l'Euthanasie compassionnelle. La commission rapporte, d'après Léon Daudet, que quelques-uns des dix-neuf Russes soignés de la rage par Pasteur développèrent la maladie et que, pour leur épargner les souffrances atroces qui s'étaient déclarées et qui auraient de toute façon été suivies d' une mort certaine, on pratiqua sur eux l'euthanasie avec le consentement de Pasteur.
Pourtant, il y eut une époque où un Pasteur praticien de l'euthanasie n'était pas une chose qu'on exhibait volontiers : Axel Munthe ayant lui aussi raconté l'euthanasie de quelques-uns des mordus russes dans la version originale en Anglais de son Livre de San Michele (The Story of San Michele), la traduction française publiée en 1934 par Albin Michel, bien que donnée comme « texte intégral », fut amputée du passage correspondant.
Rues Pasteur
Il existe 2 020 rues « Pasteur » en France. C'est un des noms propres les plus attribués comme nom de rue . Lors des grands mouvements de
Décolonisation, qui entraînèrent des renommages de rue, les rues Pasteur gardèrent souvent leur nom.
Notes et références
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OEuvres
L’oeuvre complète de Pasteur est téléchargeable sur le site de la Bibliothèque nationale de France, Gallica (cliquer sur le lien puis en haut et à droite à la rubrique « Télécharger »)
Les communications de Pasteur à l'Académie des Sciences peuvent être également téléchargées gratuitement sur le site de la Bibliothèque nationale de France, Gallica, dans les différents tomes des Comptes rendus de l’Académie des sciences. Liste des volumes (téléchargeables gratuitement) sur math-doc ou sur Gallica.
Louis Pasteur, Écrits scientifiques et médicaux; choix, présentation et notes par André Pichot, Paris, Flammarion, 1994.
Recherches sur la capacité de saturation de l'acide arsénieux. Etude des arsénites de potasse, de soude et d'ammoniaque. Suivi de Etude des phénomènes relatifs à la polarisation rotatoire des liquides. Application de la polarisation rotatoire des liquides à la solution de diverses questions de chimie, Thèse de Louis Pasteur. En ligne sur la Jubilothèque, bibliothèque numérique de l'UPMC.
Bibliographie
Les ouvrages ci-dessous peuvent être lus pour approfondir le sujet. Par ordre alphabétique d'auteurs :
- Antonio Cadeddu, Les vérités de la science. Pratique, récit, histoire : le cas Pasteur, éd. Léo S. Olschki, 2005 (ISBN 88-222-5464-3)
- Collectif CNRS, Pasteur, cahiers d'un savant, Zulma, 1995
- Patrice Debré, Louis Pasteur, Flammarion, 1994
- Philippe Decourt, Les vérités indésirables, 2de partie : Comment on falsifie l'histoire : le cas Pasteur, Paris, 1989.
- René Dubos, Louis Pasteur - Franc-tireur de la science, PUF, 1955, réédité chez La Découverte, 1995, (ISBN 2707124109)
- Émile Duclaux, Pasteur, histoire d'un esprit, Imprimerie Charaire, 1896 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k764468 téléchargeable gratuitement sur le site Gallica
- Gerald L. Geison, article Pasteur du Dictionary of Scientific Biography (dir. C. C. Gillispie), New York, 1974.
- Gerald L. Geison, The private science of Louis Pasteur, Princeton University Press, 1995. ("livre enfin publié du seul historien vraiment spécialisé dans l'histoire de Pasteur" Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes, 2001, p. 10)
- Ethel Douglas Hume, Béchamp ou Pasteur ?, 1948, traduit de l'anglais par Aurore Valérie.
- « Le mélange de discussions sérieuses et de réflexions plus discutables s'expliqu[e] sans doute par la multiplicité des origines du livre. D'abord publié en anglais, il avait été 'basé' sur le manuscrit d'un médecin américain, ami personnel de Béchamp, rédigé longtemps plus tard par une Anglaise, puis traduit en français (Le François, édit., 1948) avec une préface et un appendice de deux médecins suisses homéopathes, très hostiles aux vaccinations. » (Decourt 1989, p. 139) « Ce livre révèle que Pasteur traita son ancien assistant Antoine Béchamp (1816-1908) de façon très peu reluisante, mais ne me persuade pas que Pasteur ait "plagié" les travaux et les idées de Béchamp dans un sens raisonnable du mot. » (Geison 1995, p. 275, qui reproche aussi à ce livre - qui cherche à discréditer la vaccination, l'usage des sérums et l'expérimentation animale - de grossières erreurs scientifiques.)
- Bruno Latour, Pasteur, une science, un style, un siècle, Perrin/Institut Pasteur, 1995
- Bruno Latour, Jean-Marc Pau, Pasteur, bataille contre les microbes, éd. Nathan, 1995 (ISBN 2-09-204466-4) (livre facile à lire pour les enfants)
- Pierre-Yves Laurioz, Louis Pasteur : La réalité après la légende, Éditions de Paris, 2003, (ISBN 2851620967)
- Pierre-Yves Laurioz, « Pasteur : 1822-1895 », Historia, no 700, avril 2005.
- Dr Adrien Loir, A l'ombre de Pasteur, éd. Le mouvement sanitaire, 1938 (écrit par le neveu de Pasteur)
- M. Lombard, P.-P. Pastoret et A.-M. Moulin, « A brief history of vaccines and vaccination », Revue scientifique et technique de l'Office international des Épizooties, 2007, 26 (1), 29-48. En ligne.
- Corinne Maier, Saint Pasteur, Marginal et révolutionnaire, Le Bord de l'eau, 2004, (ISBN 2911803965)
- Louis Pasteur (réunies et annotées par Louis Pasteur Vallery-Radot), OEuvres de Pasteur (7 tomes), Masson, 1939
- Annick Perrot et Maxime Schwartz, Pasteur, des microbes au vaccin, Casterman/Institut Pasteur, 1999
- Daniel Raichwarg, Louis Pasteur, l'empire des microbes, Découvertes Gallimard, 1995
- Roland Rosset, « Pasteur et les vétérinaires », Bulletin de la Société française d'histoire de la médecine et des sciences vétérinaires, 2003, 2 (2) en ligne
- Claire Salomon-Bayet (dir.). Pasteur et la révolution pastorienne. Paris: Payot, coll. «Médecine et sociétés», 436 pages, 1986. ISBN 978-2228550802
- (en) James Strick, « New Details Add to Our Understanding of Spontaneous Generation Controversies », ASM News (American Society of Bacteriology) 63, 1997. p.193-198 en ligne [pdf]
- René Vallery-Radot, La vie de Pasteur, Flammarion ou Hachette
- Maurice Vallery-Radot, Pasteur, Perrin, 1994
Voir aussi
Liens externes